En l’attente de la reprise des conférences d’Egyptologie, nous vous proposons régulièrement des études d’objets de l’Egypte antique, rédigées par Juliette Lengrand, historienne.

Aujourd’hui : Coupe décorée de trois fleurs de lotus (Moyen Empire)

 

 

« Cette coupe est exposée au Musée du Louvre à Paris.
Elle est datée du Moyen Empire égyptien (vers 2000 à 1700 avant J.-C.).
Elle mesure 2,20 cm de hauteur et son diamètre est de 9,20 cm.
Elle est faite de terre cuite émaillée.
Sur un fond bleu, trois fleurs de lotus bleu sont peintes en traits noirs.

Comme de nombreuses coupes du même type, elle a été trouvée dans une tombe. Pourquoi la présence de cette jolie coupe en contexte funéraire ?

En Egypte antique, le lotus bleu était une plante courante du Nil. Son feuillage demeurait flottant, persistant, vert brillant, épais et les feuilles présentaient un ovale arrondi. A l’aube, la fleur de lotus apparaît sur les eaux, découvrant un coeur d’étamines jaune vif évoquant un soleil et exhalant une odeur particulièrement suave. La nuit, cette fleur se referme sous les eaux. Ses pétales étroits, pointus, implantés en spirale, sont de couleur bleu clair.

La fleur de lotus bleu a donc été retenue en Egypte antique comme symbole de la naissance du dieu-soleil Rê, émergeant du Noun, l’océan primordial. Rê est considéré comme le démiurge qui préside à la création du monde et renaît chaque matin.

En contexte funéraire, la fleur de lotus bleu est un motif iconographique largement utilisé dès l’Ancien Empire (vers 2700 avant J.-C.) jusqu’à la fin de l’histoire égyptienne : les coupes et les vases ornés de fleurs de lotus bleu sont déposés dans les tombes, les peintures murales représentent souvent le défunt respirant le parfum de la fleur de lotus bleu.

La coupe du Musée du Louvre possède un fond bleu évoquant très certainement le Noun et sur lequel sont dessinées trois fleurs de lotus bleu représentées avec leurs pétales lancéolées. En Egypte antique, le pluriel est signifié à partir du nombre trois. Aussi, ces trois fleurs expriment l’offrande d’une multitude.

En Egypte antique, en contexte funéraire ou sacré, tout ce qui est représenté ou écrit a une fonction “performative”, c’est-à-dire pouvant faire advenir magiquement ce qui est représenté ou écrit. Aussi, le défunt, grâce à cette coupe, se voit bien pourvu de fleurs de lotus bleu, promesse de renaissance dans l’au-delà, “comme” Rê, chaque jour. La pensée des Egyptiens anciens procédait par métaphore et le défunt, dans le “Livre des Morts” (ou “Livre pour sortir le jour”) peut s’exprimer ainsi : “Je suis ce pur lotus qui sort portant le Lumineux” (le Lumineux, c’est-à-dire le dieu-soleil Rê).

De nos jours, le lotus est aussi appelé “nénuphar”. Ce mot vient vraisemblablement du terme égyptien “na neferou” (“les belles”) employé en Egypte antique pour désigner ces fleurs aquatiques. Les Egyptiens de l’Antiquité croyaient en la renaissance dans l’au-delà, pourvu que la tombe soit équipée de textes et de représentations magico-religieuses propres à conduire le défunt momifié sur les beaux chemins de l’éternité. Et cette jolie coupe faisait partie du “trousseau funéraire” d’un défunt, magiquement bien pourvu de brassées de fleurs de lotus bleu. »

 

Juliette Lengrand, historienne

 

 

 

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