En l’attente de la reprise des conférences d’Egyptologie, nous vous proposons régulièrement des études d’objets de l’Egypte antique, rédigées par Juliette Lengrand, historienne.

Aujourd’hui : “Un pot à fard en forme de dieu Bes”

(Extrait de l’article de Juliette paru dans Pharaon Magazine n°5, 2011)

Vous pouvez retrouver tous les billets de Juliette en cliquant ICI

 

 

Au musée du Louvre, on peut admirer un petit pot à fard en forme de dieu Bes.
Il est fait en faïence égyptienne, peinte de couleurs variées sur fond blanc.
Il mesure 8,4 cm de hauteur.
Il date de la fin de la XVIIIe dynastie du Nouvel Empire (vers 1400-1300 avant notre ère).
Le dieu Bes y est représenté selon son iconographie habituelle : c’est un nain aux jambes torses qui a ici perdu ses pieds, à la figure léonine, portant barbe et crinière, pourvu d’une longue queue animale. Représenté de face et nu, il montre des mamelles pendantes, un ventre rebondi, les mains étant appuyées sur les cuisses. La tête volumineuse porte un mortier sur lequel, dans de nombreuses autres représentations, sont fichées de hautes plumes. Bes a perdu ici ses boucles d’oreilles et dans le large visage aux joues pleines, la bouche ouverte laisse apparaître une langue rouge pendante, comme une grimace à la face du monde. Voilà donc une représentation plastique plutôt inhabituelle au sein de l’Egypte ancienne. La plupart du temps, les Egyptiens privilégient l’équilibre, la mesure, l’harmonie, voire l’idéalisation dans leurs représentations. Ce qui n’est pas le cas de Bes, outrancier dans son corps difforme et son expression farouche.

A quelle fonction est donc vouée la représentation de Bes ? Pourquoi cette apparence ? Pourquoi les multiples amulettes retrouvées lors des fouilles en Egypte et qui sont à l’effigie de Bes, ainsi que de nombreux objets domestiques ?

En fait, Bes, avec ses caractéristiques bien spécifiques, n’apparaît qu’au Nouvel Empire (vers 1550-1000 avant notre ère). Cependant, il semble avoir eu un prédécesseur dans le dieu Aha (“le combattant”), dès le Moyen Empire (vers 2000 à 1700 avant notre ère), dieu dont l’apparence évoquait le Bes à venir et dont la fonction était de protéger femmes et enfants.

Pour essayer de cerner la fonction de Bes, il faut étudier les lieux où il est attesté. Ainsi, il apparaît dans la scène de la naissance de la reine Hatchepsout (vers 1479-1457 avant notre ère), scène représentée sur un des murs du temple funéraire de celle-ci à Deir el-Bahari : Bes se tient sous le lit de la parturiente. De même, dans le temple divin de Louqsor, dans la “salle de naissance” du pharaon Amenhotep III (vers 1391-1353 avant notre ère), Bes figure sous le lit de l’accouchée. Bes est également présent dans les “mammisis”, ces petits temples de la régénération du pouvoir divin royal, annexés à certaines grands temples divins durant la Basse Epoque et la période romaine (dès 664 avant notre ère). Ainsi, dans le temple de Philae, une scène représente la naissance de Horus et sous le lit d’Isis, on peut remarquer la présence de Bes.

La représentation de Bes en ces lieux de naissance semble bien montrer la fonction prophylactique et apotropaïque de Bes : son apparece farouche, ses grimaces, sa laideur, sont destinées à faire peur et faire fuir tout esprit malfaisant pouvant nuire à la mère et à l’enfant. Cette fonction protectrice est également attestée sur de nombreux objets domestiques retrouvés dans les tombes et qui servent à la toilette ou au coucher : vases, boîtes à fard, manches de miroir, chevets, lits… Ainsi, un chevet de Toutankhamon (vers 1336-1327 avant notre ère) est décoré de deux têtes de Bes, têtes destinées à encadrer la nuque du dormeur dans son sommeil éternel, le protégeant de tout mauvais rêve.

Bes est parfois représenté en musicien et en danseur, accompagnant la déesse Hathor qu’il charme en jouant du tambourin ou de la harpe, essayant de calmer la déesse fâchée contre les hommes et tentant de la faire revenir à de meilleurs dispositions envers eux, protégeant ces derniers de la fureur de Hathor.

D’après l’égyptologue Dimitri Meeks, le mot “bs” en ancien égyptien est un terme générique désignant, dès les Textes des Pyramides de l’Ancien Empire, un être de petite taille, un prématuré. D’où les liens de Bes avec la gestation, les naissances, certaines difficiles ou prématurées. Ce n’est qu’à partir de la XXIe dynastie (vers 1000-945 avant notre ère) qu’est attesté le nom de Bes pour la divinité qui nous intéresse ici.

Les anciens Egyptiens nous ont laissé de multiples témoignages d leur confiance en Bes : ils attendaient de ce dieu familier la protection dans les moments difficiles du quotidien, tels que l’étaient les accouchements et les premières heures du nouveau-né à l’époque pharaonique. Gra^ce à Bes, ils espéraient que triomphe toujours la vie.

 

Juliette Lengrand, historienne

 

Suivez nous :

Ecrit par