En l’attente de la reprise des conférences d’Egyptologie, nous vous proposons régulièrement des études d’objets de l’Egypte antique, rédigées par Juliette Lengrand, historienne.

Aujourd’hui : “Statuette du dieu Osiris”

 

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Cette statuette du dieu Osiris est visible au musée du Louvre.
Elle daterait de l’époque ptolémaïque (332 à 30 avant J.-C.).
Elle mesure 28 cm de haut.
Elle est faite de bronze à patine noire, incrusté de fils d’or ; les yeux sont en argent.

Osiris est considéré comme un des dieux les plus important au sein de la civilisation de l’Egypte antique. Pourquoi ? Quelle est sa place dans la religion égyptienne ? Quel est son rôle dans la vie des Egyptiens anciens ?

Depuis les premiers temps de l’histoire de l’Egypte, Osiris est l’un des protagonistes d’un mythe dont on a connaissance par bribes décousues dans le plus ancien recueil religieux connu, appelé “Textes des Pyramides”, recueil inscrit pour la première fois en hiéroglyphes sur les parois intérieures de la pyramide du pharaon Ounas (Ve dynastie).
C’est bien plus tard, à la fin du Ier siècle après J.-C., que le grec Plutarque rédige un récit suivi du mythe d’Osiris. Selon ce mythe, Osiris, premier-né du dieu Geb, hérite du trône de son père et règne sur les dieux et les hommes, apportant à ces derniers de multiples bienfaits. Osiris règne en compagnie de sa soeur-épouse Isis.
Cependant, Seth, le frère d’Osiris, jaloux de la position de ce dernier, parvient à l’enfermer dans un coffre qu’il jette dans le Nil. Isis retrouve le cadavre d’Osiris mais Seth s’empare de celui-ci et le découpe en 14 morceaux qu’il disperse à travers l’Egypte. Isis récolte ces morceaux, reconstitue le corps d’Osiris et, avec l’aide du dieu Anubis, elle fait d’Osiris la première momie d’Egypte.
Grande magicienne, Isis rend le souffle de vie à son époux et conçoit de lui un fils, Horus. Celui-ci, devenu jeune adulte, vainc Seth et retrouve son trône hérité d’Osiris. Tandis que Horus succède à son père sur terre, le pouvoir d’Osiris s’exerce désormais uniquement et éternellement dans l’au-delà. Tout pharaon est considéré en Egypte antique comme successeur de Horus, possédant ainsi un pouvoir divin.

La statuette du Louvre que l’on considère ici, représente Osiris selon l’iconographie habituelle. Osiris a une forme humaine, élancée, enveloppée d’un linceul qui l’enserre étroitement tout en suggérant ses formes. Il a un visage apaisé et plutôt souriant. Il porte la couronne dite “atef” qui lui est spécifique : une haute mitre encadrée de 2 plumes d’autruche et décorée à l’avant d’un uraeus (forme latinisée d’un mot grec dérivé du terme égyptien). L’uraeus figure un cobra femelle en colère, au cou gonflé et dont l’exemplaire vivant est capable d’une attaque brusque et mortelle contre tout ennemi : Osiris est sous sa protection imparable.

La fausse barbe tressée de fils d’or portée par Osiris clame la virilité et la force du dieu ; le fait qu’elle soit recourbée signifie qu’elle est portée par un être divin.
Le dieu porte le large collier “ousekh” fait de fils et de perles d’or. L’or, métal inaltérable, est considéré en Egypte ancienne, comme la “chair des dieux”.

Réunies sur sa poitrine, les mains d’Osiris tiennent 2 sceptres. Le sceptre dit “heqa” est un bâton à l’extrémité recourbée : les égyptologues s’interrogent toujours sur sa signification. Est-ce une crosse de berger, rappel des premiers temps agraires de l’humanité ou est-ce un hiéroglyphe ? En effet, on peut remarquer qu’en langue égyptienne ancienne, le terme “heqa” signifie “gouverner, commander”. Le sceptre dit “nekhakha” se présente comme un fouet (et non un chasse-mouche !) : est-ce un instrument de protection permettant d’écarter les mauvais esprits par le bruit que font ses tiges lorsqu’on les agite ? Est-ce un hiéroglyphe ? La question n’est pas résolue.
Fausse barbe recourbée, uraeus, sceptres heqa et nekhakha sont portés également par pharaon qui signale ainsi son ascendance divine.

Comme tout mythe, celui d’Osiris est porteur d’un enseignement. Tout d’abord, ce mythe n’est pas le récit du bien contre le mal. Seth est une manière d’exposer la fragilité des constructions humaines et la nécessaire lutte permanente pour éviter le retour au chaos.

Ensuite, la renaissance d’Osiris due aux soins d’Isis, nie le caractère irrémédiable de la mort ; le trépas est le départ d’une seconde vie. Le mythe d’Osiris fonde donc une religion du salut personnel. A condition que le défunt ait été l’objet de rituels adéquats, que sa dépouille ait été momifiée et qu’il possède une tombe, il peut accéder à une nouvelle vie dans l’au-delà. Au cours de l’Ancien Empire égyptien (environ 2700 à 2200 avant J.-C.), seul pharaon peut se permettre cette espérance d’immortalité. Mais après la Première période intermédiaire (environ 2200 à 2030 avant J.-C.) au cours de laquelle aucun pharaon ne règne plus sur la totalité de l’Egypte d’une main de fer, tout défunt s’est vu considéré comme un nouvel Osiris pouvant prétendre à la renaissance. Dans le monde souterrain, le dieu Osiris juge les morts et a le pouvoir de leur accorder une nouvelle vie éternelle.

La conception de Horus garantit le renouvellement des générations, quels que soient les obstacles. De plus, le mythe justifie le principe de primogéniture comme règle idéale de transmission du trône. En outre, le mythe contient un modèle d’épouse fidèle et de mère dévouée en la personne d’Isis, dispensatrice d’amour et de vie.

Comme Osiris incarne la notion de recommencement, il a peu à peu été lié à tous les phénomènes récurrents : arrivée annuelle de la crue, retour de la végétation et des cultures vivrières, phases de la lune ou lever de certaines étoiles… Aussi, souvent, ses chairs sont représentées en noir, évoquant le fertile limon du Nil ou en vert, couleur de la renaissance végétale. A l’époque des semailles, des simulacres d’Osiris sont faits de limon piqué de graines de céréales : ce sont des “Osiris végétant”. Un “Osiris végétant” de grande taille a d’ailleurs été retrouvé dans la tombe de Toutankhamon.

La foi en Osiris permet aux Egyptiens anciens d’espérer le retour des conditions leur assurant une vie terrestre heureuse et aussi la possibilité d’une vie éternelle dans l’au-delà. Durant toute l’histoire de l’Egypte antique, Osiris est ainsi vénéré par pharaon et tout le peuple ; une grande fête annuelle lui est d’ailleurs consacrée dans la nécropole d’Abydos, dès le Moyen Empire.

Au musée égyptien du Caire, en Egypte, on peut admirer une statue d’Osiris datant de la XXVIe dynastie, en bronze et or. Cette statue longue de 55,5 cm, est allongée sur le ventre et redresse la tête. Le visage souriant du dieu est frappant car il exprime l’intense bonheur d’Osiris s’éveillant à la vie éternelle, les yeux grands ouverts sur l’au-delà, éternellement. On peut remarquer que la longueur de 55,5 cm représente la taille générale d’un nouveau-né, ce qui signifie que le défunt Osiris recommence sa vie en ses débuts. Ainsi, dans les textes inscrits dans la pyramide du pharaon Ounas, on peut lire les paroles du dieu-soleil Rê qui interpelle ce pharaon en l’appelant “petit Ounas”, le pharaon redevenant l’enfant du démiurge Rê à l’aube de sa renaissance éternelle dans l’au-delà.

 

Juliette Lengrand, historienne

 

 

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